Bassins versants, Rançonnet mon voisin d’enfance

Le Rançonnet est une petite rivière qui a bercé mon enfance en coulant au pied de la maison familiale. Nous sommes dans la petite ville d’Amplepuis, nichée au cœur du Haut-Beaujolais, pays de sapins et de prairies de moyenne montagne aux reliefs assez pentus..

Le tronçon proposé ici court le long du quartier dit de l’Industrie, au bas de la ville, appelé localement « le fond du bourg « 

Détourné en bief pour alimenter la chaudière de la grande usine textile voisine, le Rançonnet traversait le quartier, en partie recouvert par la chaussée du carrefour du quartier de l’Industrie.

Le ruisseau sillonne aussi, en amont, le quartier dit de la Viderie, rivière affluent du Rançonnet aussi dénommé la Jonchée. Que de jolis noms ruisselants.
Il se jette ensuite dans le Reins, lui-même alimentant autrefois deux autres usines textiles aujourd’hui plus en activité, avant que celui-ci n’aille confluer vers la plaine de Dame Loire. Celle-ci coulera par monts et par vaux vers le Grand Ouest Nantais. Un bien beau et long périple en perspective.


Au sortir de la bourgade, le cours d’eau serpente le longs de prairies paisibles vers le versant ligérien.


Au pied de chez moi, le bief était bordé d’une végétation assez touffue, où vivaient salamandres et tritons qui parfois s’aventuraient jusque dans la fraicheur du couloir d’entrée de notre maison.
Plutôt silencieuse, la petite rivière se manifestait indirectement par de longs lâchers de vapeur via la chaudière de l’usine qu’elle alimentait, faisant rugir de longs sifflements, bruits blancs puissants qui ne manquaient pas de m’inquiéter les premières fois que je l’entendis lorsque j’étais enfant.
Aujourd’hui, l’usine a disparu, s’est tu, rasée pour laisser la place à un sympathique parc urbain, avec une halle couverte pour accueillir un marché hebdomadaire et des fêtes locales. Autre époque, autres sonorités.


Le Rançonnet a quasiment retrouvé son cours naturel, longeant tranquillement le parc, plus ou moins présent à l’oreille selon les saisons et les pluies. Des seuils ont été arasés afin que le ruisseau réintègre son cheminement d’origine.
Parfois quasiment inaudible, tout juste quelques clapotements lorsqu’on se penche dessus, surtout vers un glacis pierreux canalisant son cours vers l’ex usine, il peut se faire entendre plus généreusement au fil des averses, des orages, des périodes humides. Jamais toutefois il n’aura l’audace acoustique d’un torrent montagnard dévalant des hautes vallées. Il restera un ruisseau assez sage qui néanmoins égaie tranquillement le quartier.


J’aime écouter sa présence estivale discrète, rafraichissante, presque rassurante, en lisant sur un banc ombragé qui le surplombe, une petite trame bleue qui fait partie, au fil du temps de l’âme du quartier, le façonnant acoustiquement.
La disparition des usines qu’il alimentait lui a apparemment redonné une pureté aux écosystèmes riches, où chabots, truites fario et écrevisses à pattes blanches sont à leur aise, et où de belles libellules bleutées folâtrent parmi les renoncules des rivières.


Cette petite incartade auriculaire, aquatique, dans le quartier qui m’a vu grandir, et où, après de nombreuses années plus urbaines, je me suis récemment réinstallé, est marqué de souvenirs, de transformations, démolitions, réaménagements, au fil de la disparition du tissu industriel local. Des affects un brin mélancoliques qui s’écoulent dans les flux et reflux mémoriels
Retour aux sources pourrait-on dire littéralement.

Données hydromorphologiques

https://onde.eaufrance.fr/acces-aux-donnees/station/K0943031

Cliquer pour accéder à 820031385.pdf

Les sons du Rançonnet enregistrés ici ont été captés sur une petite dizaine de points d’ouïe, puis remixés pour suivre une progression vers une petite chute en glacis. Cette dernière divisait la rivière en deux branches, en orientant une vers l’usine via un bief aménagé à cet effet, et une autre contournant les bâtiments.
Le cheminement de cette petite trame bleue s’effectue sur un court trajet, quelques deux cent mètres au maximum.


La captation a été réalisée via un enregistreur numérique équipé de microphones système MS, pour rendre plus pertinentes les variations aquatiques allant crescendo..
De gros orages ayant éclaté sur la ville et ses alentours les jours précédents, le courant est assez fort pour un milieu juillet, donnant à l’oreille l’impression d’un cours d’eau beaucoup plus important qu’il n’est.
Ambiance qui peut cependant très vite changer si un épisode plus sec et chaud s’installe.

Les heures d’écoute attentives et de douces rêverie passées à ausculter le petit tronçon du Rançonnet n’étant pas retranscriptibles dans la durée, elles ont été ramenées à quelques 60 minutes d’enregistrement, et au final à 8 minutes de montage audio assorti d’images et de mots. Une « vision » synthétique qui tente de condenser l’espace-temps poétique d’un fragment de cours d’eau dans son plus long cheminement. Un bout d’histoire sonore fluante qui invite l’oreille vers de multiples autres rives. Un échantillon comme prélude à un projet « Bassins Versants, l’oreille fluante » qui arpentera bien d’autres rives et dérives.

En écoute

En images

https://photos.google.com/album/AF1QipM3kWKP4oZA06a3vmEu4xNqoJILZgdd7FUYBQ1h

Cette publication s’inscrit dans le projet « Bassins Versants, l’oreille fluante« 

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