Collections et séries, chercher la récurrence

En fin d’un festival de fanfares très tonique de par ces ambiances sonores et musicales, je rentre dans l’église du village, comme je le fait régulièrement ici et là, pour immerger dans ces larges acoustiques réverbérantes, qui sont souvent pour moi sources d’apaisement.


Je me dis alors que ces visites régulières, quasi rituelles, que je savoure toujours, constituent au fil du temps une forme de collection d’acoustiques, d’ambiances, enregistrées, ou seulement gardée en mémoire, parmi d’autres récurrences au long court.


Les effets sonores réverbérants des églises, cathédrales, basiliques, chapelles, avec les sons intérieurs mêlés aux porosités de l’extérieur, filtrés par l’effet caverne des bâtiments, constituent pour moi une série cohérente, une sorte de riches corpus liés aux édifices religieux. J’y retrouve à la fois les constantes acoustiques de ces architectures, et en même découvre leurs signatures auriculaires singulières, uniques.


Néanmoins, cette série d’architectures sonores ne constitue qu’un maillon de nombreux points d’ancrages auditifs que je construis petit à petit, où l’on trouve des lieux, objets et ambiances très différents, parmi lesquels je citerai en vrac et de façon non exhaustive:
Les ruisseaux, rivières, torrents fontaines et autres points d’eau, avec leurs ruissellements, grondements, et autres glougloutis.
Les sirènes hululant les premiers mercredis du mois à midi.
Les volées et tintements de cloches carrillonnantes et bourdonnantes.
Les gares et aéroports, leurs messages sonals et sonorités spécifiques, liées au transport, au transit de milliers de voyageurs.
Les sites à échos, qu’ils soient en espaces naturels ou urbains.
Les marchés, les voix, harangues, leurs sons d’installations matinales…
Les passages couverts, traboules et autres venelles et impasses, où tout semble s’estomper, oasis apaisés coupés de la frénésie urbaine.
Les levers du jour, heures bleues et les fantastiques réveil des oiseaux dont je ne se lasse pas.
L’ensonnaillement des troupeaux montagnards où les clarines t(e)intent joyeusement le paysage.
Les sons d’ateliers avec un immense panel de moteurs et outils raclant, percutants sciant, perçant…
Les paysages forestiers, portuaires, industriels, agricoles, chacun avec leurs propres climats.


Tous ces espaces/temps offrant à l’oreille un champ d’action et de plaisir quasi infini, pour qui leur prête attention.
On découvre ainsi tant d’autres situations sollicitant notre écoute au fil des voyages et déambulations.


Certaines séquences sont fixées, mises en mémoire via l’enregistreur numérique, répertoriées et indexées. D’autres contribueront simplement à fabriquer une mémoire sonore interne, personnelle, parfois intime, celle de l’écoutant.
Toute cette matière participera à l’écriture, la composition de paysages traces, de paysages plus ou moins fictionnels, espaces incertains, entre réalité quotidienne et imaginaire.
Pour beaucoup, ces paysages dits sonores, auriculaires, n’auront guère d’existence tant ils seront inécoutés, hormis ceux qui se feront trop envahissants, trop bruyants, dans le flux de la vie à portée d’oreilles.
D’autres découvriront avec gourmandise la richesse de ces milieux acoustiques.
Certains en feront, et c’est mon cas, des parcours et sentiers d’écoute, sortes de concerts immersifs à ciel ouvert.
Les musiciens, compositeurs, créateurs sonores, iront jusqu’à en faire des sources de compositions, objets d’installations, flux radiophoniques.
Les militants en tireront des causes à faire entendre et défendre, dans la fragilité des paysages et habitats…


Pour moi, le fait de travailler sur des récurrences écoutables, des séries, thématiques, redondances, nourrit nombre d’expériences transdisciplinaires, de militances, de partages de récits sensibles.
Plus la chose écoutée se répète, plus on la recherche dans ses rythmicités, ses maillages séquentiels, sa diversité, ses variations subtiles, plus la possibilité de construire des paysages inouïs, de les arpenter pour les mettre en écoute sont riches et passionnantes.

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