Bassin versant, le parcours des eaux sonnantes

La Loire tentaculaire

Une géographie plurielle

Un bassin versant est un territoire défini par la circulation des flux aquatiques de surface, affluant vers un même cours d’eau ou nappe souterraine.
Des lignes de partage des eaux délimitent les bassins versants, souvent en crêtes, frontières naturelles dues aux reliefs, d’où partent généralement les sources, les crêtes de bassins.
En surface, un cheminement, parfois très long pour les grands fleuves aboutit à la Mer Méditerranée où à l’Océan Atlantique, pour ce qui est de la France.
Lorsqu’on regarde des cartes de bassins versants, on est impressionné par la densité et la beauté des dessins ciselés des flux, qui ne sont pas sans rappeler des vaisseaux sanguins irriguant un corps humain. Dans les deux cas, on a affaire à un système nourricier, irriguant, source de vie.
Chaque bassin versant est unique,. Il est chargé de l’histoire, ou plutôt des histoires des eaux traversant des territoires très différents. Les approches géographiques, hydrologiques topologiques, historiques, industrielles, botaniques, biologiques, mais aussi sociales, de nombreuses activités humaines étant fortement liées, voire dépendantes des cours d’eau, font écrire l’épopée de chaque bassin versant de façon très singulière.
Les reliefs creusés, sillonnant les paysages de gorges, creusant et érodant plaines et vallées, en inondant d’autres, créent des paysages dynamiques, toujours en mouvement, en tous cas jusqu’au moment où le cours d’eau se tarit, est détourné, enterré…
Les bassins versants sont des entités dotées d’un vie propre, où l’histoire d ‘un région, d’un village, d’une grande traversée, se reflète et se construit tout à la fois.
On a bâti des villes, acheminé des marchandises, voyagé vers d’autres lieux, lavé son linge, alimenté moulins et usines, jouté, planté des arbres, au fil de l’eau.
Mais aussi on s’est baigné, reposé, on a rêvassé, fasciné par des courants fluants ou des surfaces étales.
Des histoires, contes, légendes et monstres en tous genres sont sortis des flots, des sources sacrées, tels des Hydres, Vouivres et autres Tarasques, reflétant tant des fascinations que des peurs ancestrales.

La Saône étale

Une géographie auriculaire

Les bassins versants définissent aussi des territoires acoustiques non négligeables, de la goutte d’eau au torrent rugissant.
L’eau se révèle dans un espace géographique donné, comme elle révèle se dernier, participant à lui donner corps, à lui donner vie, à l’incarner.
Cet aspect auriculaire, entre paroles, mémoires, et marqueurs sonores, acoustiques, territoriaux, de la densité urbaine aux grandes vallées sauvages, est peu ou pas exploré.
Ce que l’eau raconte d’un territoire, d’une minuscule rive à l’étendue d’un océan, est source d’inspiration, mais aussi nous avertit sur les dangers de laisser cette matière vitale exposée à toutes les dérives d’aménagements contre-nature, de pollutions mortifères.
Lorsqu’une rivière d’ordinaire bouillonnante est de plus en plus asséchée en été, que l’oreille ne la perçoit presque plus, lorsque les flots charrient des écumes colorées qui n’ont rien d’esthétiques, lorsque le silence se fait, non seulement le système hydrologique est menacé, mais toutes espèces humaines, animales, la végétation, le sont tout autant.
Ce qui dynamise un territoire peut aussi, par sa dégradation, sa disparition, sa non gestion ou ses accaparements inconsidérés, le paupériser de façon durable et pour le peu dommageable.
Beaucoup de sources auriculaires ont disparue. Les lavoirs n’accueillent plus les lavandières, beaucoup de ports fluviaux urbains ont été désertés par la batellerie, les baignades dans les cours d’eau urbains sont en générale proscrites, on a progressivement, dans les cités, tourné le dos aux fleuves et rivières. On ne les entend plus vraiment vivre, même si, ces dernières années, des villes ont revalorisé leurs cours d’eau, en y enlevant les voitures envahissantes et réaménageant des espaces piétonniers riverains.
Écouter l’eau, arpenter ses territoires, est un premier geste d’attention.
Considérer que, outre les fonctionnalités purement aquatiques, la première étant de nous maintenir en vie, l’esthétique paysagère est grandement embellie par une multitude de cours d’eau, que chaque bassin versant sonne comme un marqueur territorial, un signe de vie, n’est pas si futile qu’il puisse y paraître de prime abord.
L’eau est apaisante, que ce soit dans l’écoute de ses remous qui se brisent sur les piles des ponts, ses frémissements sous la caresse du vent, comme dans les espaces de calme préservés des vacarmes urbains. Espaces où l’on entend les traces audibles d’une biodiversité bien présente, qu’un cours d’eau ménage dans sa traversée, mais aussi une vie sociale où paroles et chants résonnent dans des lieux où il fait bon se retrouver.
L’eau doit toujours couler de source dans une écoute paysagère impliquée.

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