Assis sur un banc de pierre, tout près de chez moi.
Une petite ville provinciale.
Quartier came, tous les commerces sont fermés à cette heure.
21 heure milieu octobre
Nuit tombée.
Température douce .
Un ruisseau se fait entendre
encastré dans une faille minérale assez profonde
il se tait en traversant la place en sous-terrain
et resurgit à l’air libre quelques mètres plus loin
Il gronde depuis quelques mois sous l’effet des pluies répétitives et abondantes
de jeunes cyclistes passent en trombe
ils devisent joyeusement
un voisin claque ses volets métalliques
des voix de passantes traversent le parc tout proche
quelques voitures ronronnent
elles freinent à l’approche d’un ralentisseur marquant une zone 30
parfois claquent violemment les bas de calandre sur la chaussée
un chien au loin, solitaire
un autre, plus proche, en écho
des chouettes dans un bois voisin
un autre volet se ferme, de bois celui-ci
un tracteur agricole dont la remorque vide ferraille à tout va, déboule sans prévenir
un instant de calme, presque de silence
si ce n’est le ruisseau, intarissable
une cloche égraine joliment une sonnerie horaire
des camions ralentissent pour contourner un petit rond-point
un train klaxonne au sortir d’un tunnel
un écho collinaire s’en suit
à nouveau un oasis de calme
les vélos reviennent, crissements de pneus, chocs lors du retour au sol de leurs roues avant, après de virtuoses acrobaties sur une roue
à nouveau des voix, une famille se promène avec de jeunes enfants
la chouette réitère, à intervalles réguliers, ses hululements noctambules
il y en a sans doute plusieurs
des corneilles craillent rauque, j’aime beaucoup ce verbe enroué
un autre train ferraille, et toujours des échos
et encore le ruisseau, comme un fil bleu constant, égouttant le paysage
la température fraichit
les sons se raréfient
l’espace s’engloutit dans une tranquillité nostalgique
je ferme les écoutilles
et rentre chez moi.

Texte inspiré de « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » Georges Pérec