J’emploie le terme de tiers-espaces pour qualifier des lieux où la rencontre et l’agir ensemble, l’expérience et l’altérité, font se rencontrer des forces vives d’un quartier, d’une ville, d’un lieu de soin, d’éducation populaire, de recherche, ou d’actions mettant l’humain au centre du projet.
Revenant tout juste d’un séjour dans un café associatif niché au cœur d’une imposante cité de « grands ensembles », avec un habitat social d’une grande mixité, j’ai pu apprécié les rencontres informelles, les causeries devant un café, un jus de fruit, un couscous maison, les façons de refaire le monde, hors et tout près de de chez soi, dans un petit havre où la parole circule librement, parfois passionnée.
C’est ici où on s’assoit à une table, où tout le monde vient vous saluer, vous souhaiter la bonne année, et échanger autour de divers sujets, des problèmes de la cité, des commerces et des banques qui ferment, du manque de lieux de convivialité justement. On en parle sans la dramatisation médiatique habituelle, juste pour penser comment vivre avec les petites et grandes réalités du terrain, et qui plus est améliorer un brin, ici où là, le cadre de vie.
C’est là aussi où, aux beaux jours, les habitués se retrouvent autour du barbecue, du terrain de pétanque, ou de la télé qui diffuse des événements sportifs, du bar où se tissent des amitiés, où on se sent accueilli sans chichi.
Un lieu intergénérationel, où adultes ados et enfants se croisent, où les langues et les accents se frottent.
Ce genre de nids conviviaux, je les rencontre ici et là, en posant mes oreilles dans des lieux qui semblent résister à l’individualisation solitaire, favoriser l’altérité, la chaleur humaine, la mixité, même si parfois, les tensions ne manquent pas de voir le jour
Ces tiers – espaces conviviaux, je les ai trouvé dans des maisons d’accueil des familles de détenus, des bars associatifs tel le Café Biollay chambérien, des espaces culturels et bibliothèques de centres pénitentiaires, de certains festivals hors-les-murs, des tiers-lieux, des lieux de soin, et même sur des bancs des places publiques… Partout où peut se faire la rencontre, éphémère, ponctuelle, régulière, voire durable. Partout où tout un chacun et chacune a la légitimité de s’exprimer, de proposer et d’expérimenter des choses à mettre au pot commun.
La société à un grand besoin de ces nids de convivialité, ceux où on peut poser une oreille bienveillante, qui tente d’éviter tout préjugé moralisant, toute discrimination sociale, religieuse, ethnique, politique, ou autre, toute interprétation à l’emporte-pièce, où la parole, si elle est parfois captée, reste libre et ouverte.
Pour ma part, ces rencontres sont souvent favorisées par l’écoute des paysages sonores d’un quartier, d’un lieu, d’une structure, qui mettent en avant la vie sociale, et enclenche des échanges sur la façon dont on s’entend, et comment on se fait, même modestement, entendre.
Texte écrit au retour d’un séjour au Café Biollay, quartier du même nom de Chambéry
Le 4 janvier 2025